Association professionnelle des éditeurs de la région Occitanie.
5 Janvier 2022
Suite à l'arrêt du Salon du livre de Paris, c'est le Festival du livre de Paris qui a vu le jour avec de nombreux changements... Le coût des stands entre autres... A se demander si le festival ferme ses portes aux éditeurs indépendants...
Nous relayons la lettre ouverte de Dominique Tourte, Président de la Fédération des Éditions Indépendantes, adressée à Jean-Baptise Passé, directeur général de l’événement.
Maître d’œuvre du projet, le SNE (Syndicat National de l’Édition) et vous-même avez mis en place un modèle qui procède au mieux d’une méconnaissance de l’économie de la « petite édition », au pire d’une volonté de lui fermer les portes de cet événement, la faisant disparaître de la vue du grand public.
Lille, le 3 janvier 2022
LETTRE OUVERTE À MONSIEUR JEAN-BAPTISTE PASSÉ, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FESTIVAL DU LIVRE DE PARIS
Le projet du Festival du Livre de Paris (FLP) qui fait suite à l’arrêt du Salon Livre Paris (SLP), et dont vous êtes le Directeur Général, vient de dévoiler son modèle et notamment son offre aux éditeurs.
Maître d’œuvre du projet, le SNE (Syndicat National de l’Édition) et vous-même avez mis en place un modèle qui procède au mieux d’une méconnaissance de l’économie de la « petite édition », au pire d’une volonté de lui fermer les portes de cet événement, la faisant disparaître de la vue du grand public. Vous avez en effet imaginé un système qui rend impossible la présence de la quasi-totalité des petits et moyens éditeurs en son sein. Et cela en décidant de supprimer les stands des régions qui apportaient pourtant aux visiteurs une vision pluraliste de l’édition, en interdisant l’inscription aux maisons d’édition non distribuées et non diffusées et en rendant enfin les coûts d’inscription prohibitifs. Et nous allons ici détailler particulièrement ce dernier point :
Le modèle économique que vous avez imaginé consiste à reprendre celui de la librairie, mais à faire payer le loyer par les éditeurs. Pour ce faire, si nous avons bien compris, la société filiale du SNE qui a été créée pour l’occasion, Paris Livres Évènement (PLE), achètera environ 300 000 références de livres aux différentes structures de diffusion. Puis, par l’entremise de Paris librairies, en charge de la vente sur le salon, les livres seront répartis sur les stands des éditeurs qui auront acheté leur emplacement. Ces livres seront donc présentés aux lecteurs et défendus par les éditeurs mais seront réglés aux libraires partenaires de l’événement. La marge libraire étant ensuite partagée à 50/50 entre Paris Librairie et Paris Livre Événement.
Pour mémoire, le coût au m2 , certes non meublé, pour une participation à Livre Paris, était en 2019 de 2140 HT pour 9 m2 , soit 237 euros HT/m2 sans limites de volume ni de références. Si l’on se reporte à la grille tarifaire présentée par FLP et aux contraintes qui l’accompagnent (limitation du nombre de références et de volumes en fonction de la surface acquise), le tarif ici d’un stand de 12 m2 , plus petite cellule au prix connu, est fixé à 17 900 HT euros (1491 euros HT/m2) avec une volumétrie maximum de 1500 volumes. Considérons maintenant un prix moyen des livres à 20 euros, avec une remise globale de 60 % prenant en compte les marges de la diffusion/distribution et de la libraire ; la marge restant alors à l’éditeur est de 8 euros par livre. En imaginant même illusoirement vendre les 1500 volumes en trois jours, la recette nette maximale serait de 12 000 euros. Soit une perte d’un minimum de 5900 euros.
Si votre argument pour justifier une telle augmentation est celui de la gratuité du salon pour le public, permettant ainsi d’inscrire l’événement dans le programme Lecture Grande Cause Nationale voulu par le gouvernement, vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux salons ayant fait le choix de la gratuité ont contenu raisonnablement les tarifs de location.
La démonstration ci-dessus montre donc que la formule choisie pour le festival écarte de facto l’édition indépendante, petite et moyenne. Si les prix des stands sont élevés, ils ne représentent sans doute pour les majors de l’édition que des coûts marginaux, d’autant que s’inscrivant vraisemblablement dans des lignes budgétaires de communication. Il est par ailleurs précisé sur l’offre éditeurs du FLP (Festival du Livre de Paris) que le nombre de références sur les stands est compté hors signature. Ce qui permet d’amortir plus facilement le stand par les signatures des auteurs à succès majoritairement édités par les grandes
maisons.
Vous formulez un vœu en préambule du dossier de présentation : « Puissent ces transformations répondre aux enjeux multiples de la filière du livre ». Autant vous dire que non, vous ne répondez pas aux enjeux multiples de la filière du livre, sauf à ne pas reconnaître l’existence de l’édition indépendante que nous représentons comme composante fondamentale du paysage éditorial français. Nous sommes d’ailleurs très curieux de comprendre le lien établi entre l’étude de marché commandée par le SNE à TOME 2 et ce modèle retenu.
Nous considérons que cette nouvelle formule proposée porte un coup sévère à la dynamique de l’édition indépendante, pour laquelle Livre Paris était le grand rendez-vous annuel de rencontre avec le public. C’est pourquoi elle nécessite d’interroger d’autres acteurs du secteur.
Le CNL et le ministère de la Culture tout d’abord : Quelle va être la position du Centre National du Livre qui a « pour mission principale d’accompagner et de soutenir tous les acteurs de la chaîne du livre : auteurs, traducteurs, éditeurs, libraires, bibliothécaires et organisateurs de manifestations littéraires » quand le projet proposé élimine de fait une partie des éditeurs et donc des auteurs et des traducteurs, et qu’en prenant la suite du salon Livre Paris, ce salon se pose comme la vitrine de l’édition française ?
Les libraires indépendants et le SLF ensuite : N’y a-t-il pas une contradiction à ce que Paris librairie accepte de jouer le jeu proposé alors même que la bibliodiversité est au centre du discours de la librairie indépendante ?
Enfin, les structures régionales du livre et les partenaires institutionnels qui depuis de nombreuses années soutiennent des structures petites et moyennes et qui sont écartées ici.
Pour toutes ces raisons et au regard de la proximité de l’échéance nous demandons que soit mise en place rapidement entre le SNE, le CNL, les Agences Régionales du Livre, les représentants des libraires et la Fédération des Éditions Indépendantes, une réunion de concertation.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez recevoir, Monsieur le Directeur Général, nos respectueuses salutations.
Pour la Fédération des Éditions Indépendantes
Dominique Tourte, Président
contact@fedei.fr
Lettre ouverte à Jean-Baptiste Passé